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Contes et légendes du futur

Photo du rédacteur: celinarocquetcelinarocquet

Dernière mise à jour : 3 févr. 2022

Concours organisé par Maddyness et Engie sur le thème :


Le réchauffement climatique et la transition énergétique sont les deux grands défis auxquels notre civilisation doit faire face actuellement. Trouver des modèles plus soutenables de production et de consommation d’énergie n’est pas uniquement souhaitable mais nécessaire.

Partir du présent pour inventer notre vie de demain, imaginer 2070, ouvrir la fenêtre, observer et mettre en mots un monde qui reste à construire.


Résumé

Experte en production énergétique nucléaire et biotechnologique, Lena est responsable de la maintenance des Omnipowerunits au Technopole de la Hague, fleuron de l’industrie française. Sa vie est soudainement bouleversée par un événement qu’elle a mille fois craint.


 

Par ce matin froid et humide, les quelques vaches du champ se regroupaient pour mettre en commun et préserver leur chaleur corporelle. Lena, dont l’esprit aussi embrumé que ce jour qui se levait, savait que prochainement les animaux domestiqués serviraient eux aussi à produire l’énergie que nous utilisions. Les recherches étaient bien avancées.


Le soleil pointait déjà, éblouissant les cyclistes matinaux se rendant au Hub. C’était le petit nom dont les travailleurs avaient gratifiés l’Omnipowerunit (OPU) du coin. Lena vivait dans un petit village du Cotentin depuis la fin de sa thèse sur les procédés quantiques d’énergie couplés à la biologie moléculaire. Ses excellents résultats lui avait permis d’être affectée au fameux Technopole de la Hague, ce qui l’avait directement projetée au cœur du grand projet de transition écologique et énergétique de la France.


Les doigts encore engourdis, elle freina un peu trop brusquement et dérapa avant de garer son vélo électrique dans le parking construit à cet effet devant l’OPU de Beaumont-Hague. Les vélos et les voitures électriques ou à hydrogène avaient remplacé les moteurs à combustion, considérés depuis les années 30 comme des aberrations industrielles.

« Alors, Lena, tu t’entraines pour la course de dimanche? » lui lança Marceau d’un ton gentiment moqueur.


Son cœur se mit à battre la chamade et elle ne trouva rien à répondre.

" Comme toujours", grogna-t-elle intérieurement. Elle n’avait pas la répartie nécessaire face à lui. Elle aurait tellement voulu trouver la bonne formule, la blague ou n’importe quoi de drôle ou de remarquable à prononcer ! Son sourire remplaça donc les mots qui restaient coincés dans sa gorge. Elle savait bien qu’il l’appréciait mais leur complicité n’irait jamais plus loin puisqu’il aimait Chloé, une collègue de Lena. Si seulement la mécanique des sentiments pouvaient se contrôler aussi facilement que les technologies dont Lena était responsable au Hub, pensa-t-elle.


Comme chaque jour, son badge déclencha une LED verte et l’ouverture de la porte ultra sécurisée du bâtiment, rassurant ainsi les caméras de vidéo-surveillance. Les deux gardiens, sortes d’athlètes russes au regard de marbre aussi froid que celui du métro de Moscou, accompagnés de deux molosses tout aussi avenants, ne bronchèrent pas mais l’esquisse d’un hochement de tête de celui de droite sembla témoigner d’un salut presque aimable. Ou alors avait-il un torticolis.


Lena, un café à la main, voulut entrer dans son bureau. Cette fois, son badge ne fonctionna pas. L’indicateur lumineux rouge l’agaça. C’était la 3eme fois cette semaine. Ne s’y attendant pas, sa main était déjà prête à ouvrir la porte, mais y buta. Le café se renversa.

Bon, la journée commençait mal.


C’était sans compter sur les événements ultérieurs qui allaient définitivement bouleverser sa vie.


***


Munie de son PhD, Lena avait été embauchée il y a 3 ans par Orb, une joint-venture rassemblant les meilleurs innovateurs d’Orano, RTE et BiotechEnergy.


La France avait entamé sa transition écologique dès les années 2025.

Elle avait révolutionné sa stratégie énergétique en misant tout sur le développement de son énergie nucléaire, mais également solaire et hydrogène. De nouvelles branches technologiques avaient émergé, toutes verrouillées par des brevets et des secrets industriels dignes de la guerre froide.


Même la DGSE avait du former ses agents à la mécanique quantique et aux biotechnologies afin de pouvoir protéger ces secrets industriels qui avaient propulsé la France au rang de leader mondial incontesté de l’énergie nucléaire. Et pour une fois, la recherche française avait suffisamment réduit et simplifié ses procédés pour créer des centrales nucléaires miniaturisées. Celles-ci, couplées à des méthaniseurs et à une pile à combustible, constituaient les maintenant célèbres Omnipowerunit (OPU).


Pendant les 10 années qui suivirent, la France avait créé un maillage complet sur tout son territoire, ultra fiable et contrôlé par une smart Grid. Répartis de façon homogène à chaque intersection de la grille, les OPU étaient également installés de façon plus dense dans les zones urbaines, permettant ainsi de répondre à tous les besoins de la population.


En zone rurale, ils avaient permis une meilleure répartition de la production d’énergie, construisant des cycles de production / utilisation locaux et autonomes. Il avait bien fallu répondre aux besoins du fort exode urbain, déjà visible lors de la pandémie de Covid 21, qui avait participé à redensifier les campagnes et désengorger la population des villes. La décentralisation avait ainsi permis à de nombreuses villes moyennes de grossir jusqu’à atteindre la dimension de Paris.


Ce modèle technologique et organisationnel était recherché par de nombreux pays, autant occidentalisés qu’en voie de développement. Les états africains, au sein de la délicate Françafrique avaient notamment un train d’avance sur le sujet.


Là encore, les cyberanalystes de la DGSE se donnaient à fond jour et nuit pour préserver cette pépite tant convoitée par d’autres des failles informatiques. La Corée du Nord, qui avait évité de justesse la banqueroute en 2024 suite à la pandémie de Covid-20, représentait un ennemi notoire. D’autant plus qu’elle formait de nombreux experts en hacking et trafics underground, très présents sur le darkweb. Même les pays se disant alliés à la France l’enviaient avec raison et tentaient par des moyens plus ou moins "gris" de soutirer des bribes d’informations à des scientifiques en mal de reconnaissance.


Lena quant à elle, portait la lourde charge de la sécurisation de la maintenance de ces OPU. La gestion du remplacement des cartouches d’uranium de tous les OPU du sol français lui incombait spécifiquement. Résolument stratégique, elle avait choisi cette étape qui représentait la partie la plus délicate du procédé.


***


La nuit dernière perturbait Lena. Elle s’était réveillée en sursaut et en nage. Ses cauchemars de plus en plus fréquents. Elle ressentait une terreur croissante à l’idée des dangers qu'elle encourait professionnellement. La boule au ventre, elle n’avait pu se rendormir. Décidément, sa conscience professionnelle se révélait proportionnelle à ces pensées toxiques. Espions, voleurs en tous genres ou simplement une fuite d'information : le risque zéro n’existait pas. Cette fois-ci, elle avait rêvé que des terroristes récupéraient toutes les cartouches usées renvoyées au centre de retraitement des déchets nucléaires situé justement dans la Hague pour en faire des bombes sales au Sahel.


Il arrivait effectivement que des tentatives d’effraction et de vols aient lieu. Mais Lena se rassura en se rappelant que grâce aux caméras vidéo, les équipes chargées de la sécurité trouvaient rapidement des solutions. Les malfrats se retrouvaient alors eux-même dans des prisons au sein desquelles on utilisait leur force physique pour produire de l’énergie.


Prophétie ou conscience ? Elle savait pertinemment qu’un jour, quelque chose de grave adviendrait malgré tout.


***


Juste après le déjeuner, Lena brancha son Exoskin sur la prise de la box du Centre Orb . Ce tissu technique, telle une combinaison, ou plutôt une seconde peau, comprenait 3422 capteurs répartis sur le corps, et était portée du matin au soir par chaque individu. Cette pellicule captait et stockait l’énergie produite par les êtres humains, qu’elle soit thermique, motrice, de friction et même intellectuelle. L’énergie potentielle devenait la pierre angulaire de notre quotidien et la richesse de chacun.


Après le déjeuner, comme chaque collaborateur, elle transférait ainsi toute l’énergie captée et stockée par sa seconde peau à l’accumulateur du bureau.


« Tu es prête pour dimanche ? Lui demanda Elsie sa collaboratrice et amie.

- On verra ! Je ne me suis pourtant pas beaucoup entraînée…

- Je suis sûre que notre équipe gagnera, lui répondit-elle par un clin d’œil malicieux.


Dimanche avait lieu, comme régulièrement, un événement sportif durant lequel s’affronteraient quinze équipes de la région. Celle qui remporterait cette course multidisciplinaire en produisant le plus d’énergie gagnerait le dernier modèle d’Exoskin pour chacun de ses participants. Ce qui signifierait plus de productivité énergétique et donc un bon moyen d’augmenter son crédit.


***


La Chine avait mis en place un crédit social dès la fin des années 2010. La France s’en était inspirée pour créer le « Crédit énergétique citoyen ». C’est ainsi que chaque Française et Français dès son plus jeune âge participait à l’économie du pays de façon active. Chaque Exoskin était reliée à une montre connectée, elle-même synchronisée en temps réel à la Smart grid du Ministère de l’Énergie. Chaque citoyen était ainsi utilisateur et producteur d’énergie. Outre le fait de contribuer individuellement à la production énergétique nationale, ceci avait le mérite de faire prendre conscience à chacun de la valeur de cette ressource.


Bébés et enfants produisaient beaucoup d’énergie, se construisant ainsi un patrimoine pour l’avenir. Quant aux adolescents, autrefois avachis devant les jeux vidéo, ils avaient été vivement encouragés à se dépenser physiquement autant qu’intellectuellement pour ne pas représenter un poids pour la société. Ce qui leur avait fait beaucoup de bien.


L’énergie était ainsi devenue une monnaie universelle. Aussi précieuse que le temps, moins corrompue que le bitcoin, elle se vendait, se troquait ou s’échangeait sur des marchés parallèles.


***


Sur le chemin du retour, les pensées de Lena flottaient comme les nuages blancs contrastant avec le bleu du ciel. Les prémices du printemps commençaient à se faire sentir. L’air portait en lui les rayons de soleil et l’odeur salée de la mer, toute proche. Bientôt, Lena et ses amis pique-niqueraient sur la plage de Vauville. Des couples se formeraient, encore engourdis par l’hiver. Lena ressentit une profonde tristesse, renforcée par le constat d’un célibat qui décidément n’en finissait pas.


Elle n’avait jamais été heureuse en amour, ses études longues, son affectation au Technopole, puis un métier d’expert risqué n’avaient pas favorisé de relation amoureuse fructueuse.


Ce jour là, son besoin de se défouler et peut-être la motivation de gagner la course prochaine lui firent enfiler sa tenue de sport. Elle courut le long de cette plage superbe qui joignait Herqueville à Flamanville. Sur quinze kilomètres, les embruns se mélangeaient aux rayons du soleil, réchauffant aussi bien l’esprit que la peau.


A chacun de ses pas qui s’enfonçait dans le sable humide, elle réalisait sa chance de travailler au cœur du fleuron industriel français, en bordure de mer et dans une région si agréable. En effet, la douceur océanique s’était mue en véritable climat chaud tout au long de l’année du fait du dérèglement climatique. L’humidité omniprésente avait rendu la campagne luxuriante, accroissant l’attractivité de la région. Cependant, pour des raisons de sécurité, aucune construction ne venait enlaidir la côte, ce qui laissait la nature libre et épanouie.


Elle se fixa comme objectif de courir jusqu’à l’OPU le plus proche, afin d’en profiter pour voir si tout allait bien. Le soleil se préparait à rejoindre l’horizon d’ici une heure, et la luminosité décroissait progressivement. Arrivée à l’OPU, elle entra le code nécessaire à l’ouverture de la grille de protection électrifiée.


Lorsqu’elle ouvrit la lourde porte étanche telle une porte de sous-marin, elle en eut le souffle coupé. Sa vue se troubla et son cœur s’emballa. La cartouche d’uranium avait disparu. Visiblement arrachée de sa coque de protection à l’aide d’outils. Les mains tremblantes, elle prit son téléphone portable et joignit le seul numéro important dans un cas pareil.


Remise en partie de ses émotions, Lena reprit le chemin du retour. D’autant plus que le soleil s’étant caché derrière l’horizon jusqu’au lendemain, elle ne verrait bientôt plus grand chose dehors. Elle choisit par conséquent de couper à travers les dunes.


Soudain, elle heurta quelque chose sur le sol.


Recroquevillé, semblant s’être écroulé brutalement, un corps gisait au sol. Elle ne parvenait pas à distinguer un visage, enfoui sous des cheveux sombres. La terreur de la situation qu’elle avait tant de fois imaginée et appréhendée, et la stupeur de trouver un individu à cet endroit, dans une position pour le moins étrange, la firent chanceler. Décidément cette journée n’était pas comme les autres.


S’agenouillant près de cette masse humaine, elle se rendit compte sous ses doigts que la peau était froide, mais le pouls restait perceptible.


Sa conscience lui rappelait que le protocole de sécurité ordonnait d’appeler la sécurité ou la police. Ne sachant pas vraiment pourquoi elle faisait ces gestes, elle repoussa les cheveux et découvrit un visage inconnu, qu’elle appela pour tenter de le réveiller. N’y parvenant pas, Lena prit extrêmement délicatement la cartouche d’uranium qu’il serrait contre son thorax tel un trésor et l’apporta dans sa voiture.


Puis elle tira l'homme par les bras et le mit dans son coffre. Dans les films cela semblait facile. Ce n’est pas le cas dans la réalité, parvint-elle à penser avec un léger sourire. Peut-être le sentiment de réaliser un interdit lui procurait-il une certaine excitation qui démultipliait ses forces.


Prenant toutes les précautions nécessaires, elle enfila une combinaison intégrale et des gants plombés pour déposer la cartouche au hub, dans un coffre étanche destiné à recueillir le matériel radioactif.


Enfin, elle rentra chez elle. Dans un état second, elle réfléchit à ce qu’elle allait faire du corps.


Recueillir un voleur d’uranium n’était clairement pas dans ses prérogatives. Elle en subirait sans aucun doute les conséquences. Elle réalisa qu’elle ressentait une attraction particulière pour cette individu. Peut-être était-ce du à sa position fœtale qui l’avait touchée, ou parce qu’un être humain avait besoin d’elle pour survivre, qui plus est, un homme.

Son visage présentait des traits asiatiques. Mais Lena n’aurait su dire s’il était chinois, coréen, ou kazakhstanais. Le métissage s’était tellement homogénéisé en cinquante ans, que l’on distinguait de moins en moins les caractéristiques physiques des différentes ethnies.


***


Lena s’occupa de lui et le veilla. Il ne sortait toujours pas de son état comateux. Sans doute avait-il reçu une puissante décharge électrique issue du système de sécurité. Mais il vivait.


Le lendemain, elle se réveilla après une nuit sereine et sans cauchemar, ce qui devenait rare. Elle enfila son Exoskin et se rendit comme si de rien n’était à son travail. L’idée de retrouver quelqu’un chez elle le soir en rentrant lui procurait un réconfort qui se manifesta par un sourire rêveur toute la journée. Même Elsie le remarqua et la taquina à ce sujet.


Elle effectua consciencieusement son rapport sur le vol de la cartouche, tout en omettant de parler de l’homme.


***


C’est dans l’après-midi que le Directeur du site, Monsieur Clair, vint dans le bureau de Lena, accompagné du Directeur de la sécurité pour l’interroger.

« Êtes-vous sûre de ne pas avoir vu quelqu’un près de l’OPU?

- Oui prononça faiblement Lena en se raclant la gorge. Elle se dit qu’elle n’était vraiment pas douée pour mentir.

- Nous avons des doutes sur vos propos, Mademoiselle, ajouta fermement M. Clair. C’était la première fois qu’il lui parlait sur un ton aussi méfiant et autoritaire. Elle en fut bouleversée. Je vous réitère ma question une dernière fois : confirmez-vous votre version des événements, telle que vous en avez fait le récit à vos supérieurs ?

Lena hocha la tête, gratifiant ce geste d’un « Oui Monsieur le Directeur » sans lequel son manque d’aplomb lui aurait été fatal.


Son dos était trempé d'une sueur froide. Sa raison lui dictait de révéler la vérité.

Pourtant, elle n’en fit rien.


***


Le soir, quand elle rentra, trempée sur son vélo par la bruine et le visage fouetté par les bourrasques du vent d’ouest, elle se changea sans prêter attention à l’homme, qui n’avait guère bougé.

Elle était restée tout le reste de la journée dans son bureau, ses sourcils froncés, sans voir ni parler à personne.


Lorsqu’ enfin elle eut enfilé des vêtements secs, elle s’aperçut que les yeux bridés de l’homme la fixaient. Sans doute depuis plusieurs minutes. Il était toujours allongé dans le canapé en cuir où elle l’avait installé. L'expression de son regard était difficile à traduire, mais il semblait étonné d’être là, se demandant quels événements l’avaient sauvé d’une situation qui n’avait pas du être très heureuse.


« Bonjour, commença Lena.

- Ni hao, répondit-il.

- Mes cours de chinois du lycée sont loin, vous parlez anglais ? S’enquit-t-elle dans un excellent anglais d’Oxford.

Tout en se redressant, il acquiesça dans cette langue. Malgré son accent, il était très compréhensible.

- Qui êtes-vous? D’où venez-vous? Vous n’êtes pas censé être ici, prononça Lena sur un ton hésitant.


Elle sentit bien qu’il ne savait pas quoi répondre. Qu’il ne pouvait pas vraiment le faire sans se trahir. Elle s’assit doucement sur le canapé. Leurs regards se croisèrent. De longues minutes. Un temps qui sembla infini. Puis il lui prit la main. Elle tressaillit. Le contact physique et cette intimité soudaine la fit rougir. Elle se leva, un peu gênée, et prépara à dîner. Pour deux. Son sourire l’accompagna jusqu’à ce qu’elle s’endorme. Et aucun cauchemar ne la réveilla.


***


Dimanche, 08:00. Le réveil sonna, elle se prépara : Exoskin, tenue de sport de compétition, et ses baskets préférées pour lui porter chance.


L’homme, qui s’appelait Yun, la serra dans ses bras et lui souhaita bonne chance. Il lui devait la vie et sa liberté. Elle s’était éprise de lui, comblant ainsi un vide sentimental croissant au fil des années. Ces derniers jours avaient été extraordinaires. Il ne pouvait de toute façon pas quitter les lieux sans risquer d’alerter la police. Il faudrait bien réfléchir à une solution, mais pour l’instant, ils profitaient de cette situation inhabituelle.


Lorsqu’elle rentra le soir, sa joie rayonnait d’avoir fait gagner son équipe. Ils fêtèrent tous deux la victoire au coin du feu, une coupe de Champagne aux lèvres.


Elle activa et montra à Yun sa nouvelle Exoskin encore plus performante, et la façon dont elle fonctionnait. Yun semblait très intéressé. Il l’enfila et s’amusa à mimer un entrainement sportif, qui montrait bien de quoi il était capable.


Lorsque les premières lueurs de l’aube apparurent lundi, le cœur de Lena se serra violemment. Elle ressentit une véritable terreur à l’idée de retourner au bureau, après les échanges qu’elle avait eus avec la Direction quelques jours auparavant. Malgré sa panique, la journée se passa cependant à peu près normalement.


***


Trois coups martelés à la porte mardi à 6 heures 30 du matin réveillèrent Lena et Yun en sursaut.


A peine avaient-ils eu le temps de cacher Yun dans la soupente du grenier, qu’elle enfila un pull et un pantalon en hâte avant d’ouvrir la porte. Trois policiers et cinq hommes de la brigade spéciale anti-terroriste débarquèrent brutalement dans la maison de Lena. Leur chef s’avança :


«  Madame, nous avons toutes les raisons de croire que vous cachez l’individu qui a volé la cartouche d’uranium. Et que celui-ci est un espion du Guoanbu. Vous êtes donc accusée de protéger un ennemi national, ce qui vous rend coupable de haute trahison. De par vos responsabilités au sein du Centre Orb et auprès du Ministère de l’Energie, cette faute est d’autant plus grave. Veuillez nous suivre ».


Ses jambes ne purent la soulever. Sa vie basculait. Quelques secondes auparavant, elle vivait un bonheur qu’elle n’avait jamais eu la chance de connaître. Cette chute vertigineuse la paralysa. Elle perdit connaissance de longues minutes.


Pendant ce temps, des policiers fouillaient la maison. Ils finirent par trouver Yun.

« Vos deux Exoskin sont connectées au même compte avec le même identifiant et pourtant elles se trouvaient à deux endroits différents : chez vous et au bureau. N’ayant pas le don d’ubiquité, nous avons donc compris que l’énergie produite simultanément par vos deux Exoskins ne pouvaient être due qu’au fait qu’elles aient été portées par deux individus distincts. A cela, s’ajoutent les doutes que portait sur vous la Direction du Centre. »


Lena comprit son erreur, elle aurait du déconnecter la première Exoskin avant de porter la nouvelle. La vie ne tient vraiment qu’à un fil, se dit-elle en fondant en larmes.


Prenant son courage à deux mains face aux policiers intransigeants, elle requit quelques minutes avec Yun avant d’être séparés.


Ils s’enlacèrent et se serrèrent fort dans les bras l’un de l’autre.


Les policiers ne virent pas la main de Lena prendre le connecteur qui servait à décharger l’énergie stockée dans son Exoskin vers les accumulateurs, et le brancher sur l’Exoskin qu’elle avait prêtée à Yun. Le court-circuit créa un formidable échange d’énergie entre les deux combinaisons, d’une puissance inattendue. Ils ne bougèrent pas lorsque les deux combinaisons commencèrent à brûler et à irradier des ondes lumineuses dans la pièce, éblouissant les policiers.


Leurs larmes s’évaporaient à cause de la chaleur dégagée, leurs corps accumulaient ce trop-plein d’énergie fulgurante, tournoyante, jusqu’aux derniers battements de leurs cœurs, submergés par des ondes trop puissantes pour eux. Leurs corps fusionnèrent dans un flamboiement ultime.


***


Cléa, éteignit son écran et ferma les yeux.

Elle avait toujours aimé lire les Contes et légendes de la Terre Ancienne, avant de s’endormir dans sa cabine feutrée en observant le crépuscule sur Mars.




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